Science-de-la-liaison

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Xénophon : la constitution de Sparte / Aristote : la constitution d'Athènes.

Si l’usage premier de l’écriture a été de promouvoir au sein des hommes la prescription souveraine d’une cohérence sociale, il est remarquable de voir que chez les Grecs ce symbolisme n’eut de résonance comme nulle part ailleurs, en particulier parce qu’il nous présente une dichotomie  entre deux régimes politiques attenants, les cités d’Athènes puis Sparte, mais surtout pour ce jugement de valeur général où le signifiant légal devait être inscrit au marbre marmoréen, garantissant l’ordre et la justice au sein de la cité, puis devait asseoir définitivement l’essor et la « prospérité » des deux illustres joyaux du berceau méditerranéen.

Pour autant les deux constitutions présentent ces divergences nominales qui ont pour l’une des cités traduit son déclin ou son immobilisme, et pour l’autre un rayonnement culturel favorisé par des institutions propices à l’épanouissement de l’homme, un consensus autour du savoir : « L’homme connaît le monde dans la mesure où il se connaît, sa profondeur se dévoile à lui dans la mesure où il s’étonne de lui-même de sa propre complexité ». Or nous allons voir que la constitution spartiate, bien que présentant des avantages si l’on considère l’homogénéité d’une masse ou d’un ensemble pour sa stabilité, montre un nivellement évident de l’individu, certes au profit du collectif, mais dont on peut penser que la cohésion militaire si elle n’est pas la raison d’existence d’une cité essentiellement tournée vers la guerre, s’affiche comme le manquement d’une civilisation a pouvoir dépasser ses objectifs culturels. D’autant plus que Lycurgue sera forcé de constater que malgré un cadre légal stricte, le lacédémonien n’aura  de cesse de transgresser les lois, si bien qu’on note un conditionnement essentiellement tourné vers l’image militaire et sa légendaire transparence culturelle.

 

- Sparte -

 

Voyons quels sont les principes de Lycurgue et à quel point l’individu subit un conditionnement précoce et donc irréversible, au bénéfice de l’éducation martiale, car il faut noter le caractère somatique de la loi, elle repose sur un vecteur de domination du peuple, une écriture  impersonnelle et permanente :

I – Procréation des enfants : « La femme est conditionnée pour enfanter, elle sera rationnée en tâche en nourriture de manière à pouvoir accueillir l’homme supérieur par la taille et la force ( ?) » : les liens procréatifs spartiates sont essentiellement tournés vers la contribution collective, du coup la femme peut appartenir à plusieurs maisons dès l’instant où elle avance cette supériorité masculine ( ?).

 II – Education des jeunes garçons : Contrairement à Athènes, les enfants spartiates ne sont pas laissés à l’initiative pédagogique des esclaves précepteurs, et à l’éveil de leur curiosité  « Ils sont essentiellement gouvernés par des Pédonome à qui la cité donne tout pouvoir pour les rassembler, les surveiller et, le cas échéant les punir sévèrement de leurs négligences » Défaut qui ne les interdits pas de voler pour se procurer nourriture etc.. car l’embuscade est l’une des qualités du guerrier ( ?).

III – Education des adolescents :  A Athènes les jeunes adolescents sont laissés libres, aucun précepteur ne vient plus s’interposer au processus de construction intellectuel, Chez Lycurgue en revanche « …Ayant remarqué qu’ une extrême arrogance est naturelle à cet âge, que l’insolence y est tout à fait habituelle [……] il a imposé aux adolescent de très nombreux travaux et occupations, et à ceux qui s’en déroberaient point d’honneur, de plus voulant leur inspirer une grande modestie, ces derniers devaient marcher dans la rue le regard au sol, les mains dans le manteau et bien sûr en silence [….] de surcroît ils étaient seulement tenus de répondre aux questions [des militaires] lors des repas et de ne jamais en poser » ( ?) : Nul besoin d’expliquer ici le processus étonnamment asthénique, mais nonobstant tourné vers la préférence collective d’avoir à supporter le sacerdoce du devoir militaire, on notera que Lycurgue n’accorde aucune décontraction à un moment pourtant propice à l’émergence des talents.

IV – Repas et vie en communauté : Ici Lycurgue souhaite encore imposer un modèle, qu’on peut penser de bon augure, mais on sait tous que les gens se réunissent d’abord selon leur affinité générationnelle, et cela n’interdit nullement le passage de témoin.. « D’ailleurs dans les autres cités, on se réunit d’ordinaire entre gens du même âge, et il y a parmi eux bien peu de réserve ; tandis que Lycurgue, à Sparte,  tient à mêler les âges, estimant que pour la plupart des choses les plus jeunes sont instruits par l’expérience de leurs aînés ». Du coup l’échange intracommunautaire est essentiellement tourné vers ce commandement viscéral de la culturation spartiate [ martiale ], chacun a le devoir de commander selon l’ordre pour le collectif.

V – Mépris de la richesse : On comprend bien ici que l’harmonie de la cité spartiate [martiale] ne peut intégrer que l’individu soit soucieux d’occupations lucratives.

VI – Obéissance absolue aux magistrats et aux lois : « Lycurgue a établi le pouvoir des éphores, parce qu’il s’est rendu compte que l’obéissance est un bien très précieux dans une cité, une armée, et une maison. Il pensaient, en effet, que cette magistrature frapperait, à proportion de son pouvoir, les citoyens d’une crainte d’où naîtrait  [l’obéissance] » : pourtant il lui faudra consulter la Pythie à Delphes, pour demander au dieu ce que la corruption humaine vaut pour le caractère  précieux de la loi.

VII – Une belle mort vaut mieux qu’une existence honteuse : Principe nominal en quoi le combattant spartiate doit pouvoir concéder à une mort certaine à la guerre. A Sparte  le « lâche » n’a pas droit d’existence. 

VIII – La vertu « Vieillesse ou Gerroussia » : « S’étant rendu compte que là où la vertu n’est cultivée que par ceux qui le veulent bien, ils ne sont pas capable de procurer l’accroissement de leur patrie, il fit obligation aux Spartiates de pratiquer tous à titre de devoir public toutes les vertus ». Soit, ce principe me semble adéquat, seulement chacun sait que l’homme est vite rattrapé par son naturel corruptible, d’autant plus que l’emprise du pouvoir est plus développée chez le militaire qu’ailleurs.

IX – Manœuvres militaires et camps militaires : Ces principes sont d’autant plus rigides, qu’il n’est pas nécessaire de les citer ici. On peut juste affirmer que les Spartiates n’ont jamais rien négligé en matière de manœuvre militaire.

X – Le Roi à l’armée : Il jouit de toutes les prérogatives d’un meneur de troupe militaire et sait en disposer à bon droit, d’ailleurs : « Quand le roi conduit l’armée, si nul ennemi ne se montre, personne ne le précède, à l’exception des  Skirites et des éclaireurs montés. Mais si l’on pense qu’il va falloir combattre, le roi prend l’avant-garde de la première more et la conduit vers la droite, jusqu’à ce qu’il se trouve entre deux mores et deux polémarques ».

XI – Le Roi et la cité : « Chaque mois a lieu un échange de serments entre les éphores jurant pour la cité et le roi pour lui-même. Le roi fait serment de régner en se conformant aux lois (nomoi) établies dans la cité, et la cité de maintenir la royauté inébranlée tant que le roi demeurera fidèle à son serment » : tenant compte du fait que la cité spartiate ne ferait apparaître aucune inégalité entre ses citoyens, le roi n’est pas jalousé de son pouvoir, chacun peut œuvrer pour la désintégration de l’individu au profit de la masse militaire.

XIII – Les spartiates n’obéissent plus aux lois (« fermer le ban »….) : « Il fut un temps où on s’appliquer à être digne de commander, maintenant on se donne bien plus de mal pour obtenir le commandement que pour s’en rendre digne » : Cette remarque canonique de Lycurgue traduit bien le malaise qui a gangréné la cité spartiate, rongée par son immobilisme militaire, dévorée par un repli interne qui jamais n’a pu autoriser l’éclatement des consciences.

On peut comprendre l’intérêt, des petits nazillons de première zone et autres régimes despotiques, pour ces grands principes désintégrateurs.  

Cette traduction « sommaire » des principes constitutionnels spartiate par Xenophon (philosophe ex-disciple de Socrate) et exilé d’Athènes montre à quel point la « politéia »  peut peindre un homme, une cité, en destin rigide. Si on ne peut nier le caractère de « l’immobilité publique contre l’arbitraire » au sens commun d’une constitution militaire, on doit souscrire à sa propriété improductible à préparer le rayonnement culturel de la civilisation qui suivra ses préceptes. C’est pourquoi le rapprochement des deux constitutions - dont je développe ci-dessous les principes athéniens autrement plus complexes et traduits quant à eux par Aristote - est essentiel car il fait apparaître l’origine motrice à quoi la condition de la possibilité du savoir est astreinte. Même si l’on peut penser que le principe démocratique est par nature soumit à la vie trépidante de la cité, et que parfois le résultat manquerait son but.

 

                                                           


 

- Athènes -

 

La constitution d’Athènes comporte deux parties, l’une historique racontant l’histoire constitutionnelle d’Athènes jusqu’à la restauration de la démocratie en 403 av J-C, puis l’autre décrivant les institutions de l’Athènes contemporaine. Aristote aura puisé dans de nombreuses sources, comme les poèmes rédigés par Solon –législateur– (640 av J-C à 458 av J-C), mais il s’appuiera également sur le legs précieux des historiens, Thucydide ou Hérodote ; enfin comme tout travail de recherche sur des archives ou sur documents existants, on pourra relever quelques lacunes, non facilité par une exploitation fragmentaire du monolithe, mais puisque la volonté d’Aristote est de "restituer les institutions passées à travers les principes constitutionnels de l’Athènes contemporaine", et que le principe de réécriture obéit à la causalité aristotélicienne de hiérarchisation des idées, on notera alors une description rationnelle pour des principes politiques présentant souvent des aspects bien spécifiques. Ainsi le Travail d’Aristote se présente comme une œuvre d’homogénéisation du particulier au commun, des différentes formes d’accès au pouvoir, selon les groupes en présence « oikos » (famille, secteur etc..), au profit des institutions politiques ; il nous indique autant que « l’homme est un animal politique »  c’est-à-dire concerné par la nature phénoménologique du langage à fonder par lui-même son organisation sociale, même si l’aboutissement montre toujours une confusion, tout compte fait assez relative.

La correspondance entre les démocraties nouvelles et les grands principes athéniens est nécessaire pour montrer les grandes étapes de construction démocratique dans l’histoire, où chacun ira puiser force et inspiration dans l’enthousiasme d’un peuple  à se rendre maître et possesseur de son destin, une rage pour l’histoire.

(voir préface concernant les grands principes)

 

Les hommes de l’antiquité n’ont pas seulement entretenu de légendes mythologiques, ils ont aussi tenu à ce que la vie soit au cœur de la cité, un quotidien où l’identité collective se retrouvait chez des hommes devenus citoyens.

 

Le processus de formation de la "politeia" constitution athénienne :

 

Pour qu’un régime démocratique s’installe, il faut de toute évidence un socle institutionnel déjà bien avancé, une vie sociale essentiellement tournée vers le fonctionnement de ses institutions ; pourtant, bien avant que Clisthène amène son programme de réforme populaire (second moitié du VIe siècle av J-C) et instaure les fondements de la démocratie athénienne, les régimes politiques se sont succédés, des périodes d'agitations troublées – dites Tyranniques – où au sein de la cité, des hommes, les Tyrans, s’emparaient illégalement du pouvoir, et tentaient de le conserver au mépris des lois pourtant existantes. C’est d’ailleurs à cet endroit que nous percevons la force des institutions démocratiques modernes, car les hommes constituent toujours autour du pouvoir une forme d’oligarchie, une préférence aristocratique qui au VIIe siècle av J-C voyait des Pisistrate, entre autres, transmettre le pouvoir à ses fils dans l’indifférence commune (cf. Thucydide). Aujourd’hui l’idée d’une aristocratie est bien réelle, et peut-être plus sournoise encore qu’au VIIe siècle av J-C, mais le peuple n’a plus besoin de revendication pour faire admettre l’égalité des droits au principe intangible d’une démocratie vécu par tous. C’est donc par ce mouvement de contestation populaire sans précédent que les Grecs ont établi les principes démocratiques au cœur de la cité, c’est aussi à cette période que la science de Thalès, Pythagore ou la philosophie d’Héraclite entameront ce bouleversement des consciences. Le VIe siècle av J-C se présente comme un prodigieux consensus des hommes pour leur avenir : « La civilisation  se manifeste  dans l’unification dominante des instincts de ce peuple » Nietzsche.

 

I – Vers la constitution primitive.

Les régimes politiques étaient donc oligarchiques en tout point, les pauvres, leurs femmes et leurs enfants étaient esclaves des riches.

« On prenait les magistrats dans les familles nobles et riche, les charges étaient à l’origine conférées à vie, plus tard pour dix ans. La plus ancienne de ses magistratures et celle du Roi (basileus), le polémarque et l’archonte se succéderont ».

 

Vers 683 Archontat annuel et institution des six thesmothètes à Athènes.

 

2ème moitié du VIIe siècle : première loi écrite.

« Les thesmothètes furent institués bien des années après, alors qu’on instituait déjà chaque année les archontes, et cela afin de rédiger et de publier les décisions ayant force de loi et de les conserver pour le jugement des conflits – magistrature d’un an ».

« Le conseil de l’Aréopage avait pour charge de conserver les lois ; il prenait en tout la part la plus importante à l’administration de la cité, châtiant souverainement de peines corporelles et pécuniaires tous les délinquants. C’était d’après la noblesse et la richesse qu’on élisait les archontes, desquels provenaient les aréopagites ; aussi est-ce la seule magistrature qui soit restée viagère et le soit encore aujourd’hui ».

 

II – Dracon.

 

624 – 620 : législation de Dracon à Athènes.

 

Le législateur Dracon établit ses ordonnances  « Thesmos » :

« L’organisation de l’état est la suivante, les droits politiques étaient donnés à ceux qui étaient en état de s’armer en hoplites. Ceux-ci élisaient les neufs archontes et les trésoriers parmi ceux qui avaient un capital de dix mines, libre de toute charge ».

Oligarchie : « les prêts avaient les personnes pour gages ( ?) et la terre était dans un petit nombre de mains ».

« Le conseil de l’Aréopage était le gardien des lois et veillait à ce que les magistrats remplissent leurs fonctions conformément aux lois. Tout citoyen qui se prétendait victime d’une injustice pouvait déposer une dénonciation auprès de l’Aréopage en désignant la loi violée ».

 

III – Archontat de Solon.

(réforme, abolition des dettes, classes censitaires (voir ci-dessous), magistrature et réformes judiciaires).

 

594 ou 592 : Archontat de Solon à Athènes.

 

« Comme la constitution était ainsi organisée et que la foule était esclave de la minorité, le peuple se révolta contre les nobles ».

Solon élu Archonte après une lutte féroce, on lui confia le soin de rédiger la constitution, il « affranchit le peuple pour le présent et pour l’avenir par l’interdiction de prêter en prenant les personnes pour gages », il fit des lois et abolit les dettes, tant privées que publiques (les temps sont pas si lointains) ; la constitution de Dracon fut aboli excepté la loi sur le meurtre, les lois furent gravées sur des tables mobiles puis on les plaça sur le portique royale et chacun s’y conforma, les neufs Archontes prêtèrent serment sur la pierre  ; Solon décomposa la classe selon le revenu imposable de chacun. Les lois étaient fixées pour cent ans.

Solon décida que les magistrats devaient être tirés au sort sur une liste de proposition établie par chacune des tribus.

« Solon créa un Conseil de quatre cents membres, cent de chaque tribu ; il chargea l’Aréopage de veiller sur les lois, en restant gardien de la constitution comme il l’était auparavant. L’Aréopage surveillait les actes les plus importants de l’administration politique ; il frappait ceux qui commettaient quelques infractions…. Il versait à l’Acropole le produit des amendes sans inscrire le motif de l’amende…. Et jugeait aussi ceux qui conspiraient contre la démocratie ».

Les trois mesures les plus démocratiques chez Solon :

-       Interdiction de prendre les personnes pour gages des prêts.

-       Le droit de chacun d’intervenir en justice pour une personne lésée.

-       Le droit d’appel aux tribunaux.

 

Aristote constate toutefois que Solon a rédigé les lois de manière si obscure que malgré lui le peuple se rendit maître de son jugement ; l’Aréopage démontra son utilité publique et constitutionnelle, puisque les contestations furent nombreuses.

 

Solon a compris qu’avant de légiférer il fallait débarrasser la cité de ses rapports monétaires vénaux.

 

Solon a contribué comme nul autre et de manière totalement désintéressée à abolir les privilèges, et alors qu’il put devenir Tyran, il préféra se faire détester en n’évitant de prendre parti (pour les nobles ou les instances oligarchiques), sauvant sa patrie en lui donnant les lois les meilleures.

 

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Œuvre poétique Solon :

« Au peuple, j’ai donné autant de puissance qu’il suffit, sans rien retrancher ni ajouter à ses droits. Pour ceux qui avaient la force et en imposaient par leur richesse, pour ceux-là aussi je me suis appliqué à ce qu’ils subissent rien d’indigne. Je suis resté debout, couvrant les deux partis d’un fort bouclier, et j’en ai laissé aucun vaincre injustement ».

Notons ici que la renommée de Solon sera définitivement acquise subséquemment à la victoire de Salamine, que Pisistrate soutiendra dans son projet de reconquête de l’Île :

« Allons à Salamine combattre pour l'île aimable et repousser l'intolérable honte ».

 

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IV – Troubles politiques après Solon et époque Tyrannique.

 

La droiture de Solon l’aura contrainte au départ, en effet ces grands principes d’égalité de justice se heurtaient à la perversité et la cupidité des puissants à vouloir protéger leurs intérêts.

Il s’exile, de grandes tensions, conséquemment à ce mouvement réformateur brutal, apparaissent car certains sont ruinés par l’abolition des dettes.

Le terrain devenait propice à un coup d’état :

 

561 : premier coup d'Etat de Pisistrate à Athènes.

 

Le régime des Tyrans n'a rien apporté à la construction démocratique, on peut juste dire que Pisistrate a donné le leurre de régner en bon citoyen plutôt qu’en Tyran, en favorisant les masses populaires, de manière à ce que celles-ci ne s’occupent des affaires de l’état. Ce qui permit à Pisistrate de vieillir au pouvoir, tout en s’enrichissant.

 

On peut toutefois lui concéder d'avoir réformé la politique sociale, prolongeant ce faisant l'oeuvre de Solon, qui lui semblait plutôt intéressé par l'abolition des privilèges, et la justice populaire, que de rendre la foule amorphe à toute décision politique.

 

528 : mort de Pisistrate. Tyrannie d'Hippias à Athènes.

 

La transmission du pouvoir à ses fils traduira un durcissement du régime à cause de conflits intrafamiliaux et les fils pisistratides seront expulsés du pouvoir.

 

V – Clisthène chef du parti démocratique.

  

525 : Archontat à Athènes de Clisthène l'Alcméonide.

 

Clisthène gagne les faveurs du parti démocratique populaire pour son opposition au régime tyrannique, et particulièrement pour le rôle joué dans l’éviction d’Hippias.

 

« Tout d’abord il répartit tous les athéniens en dix tribus au lieu de quatre, parce qu’il voulait les fondre afin de faire participer plus de gens aux droits civiques « politeia » ….puis il donna cinq cents membres au Conseil au lieu de quatre cents, cinquante de chaque tribu (il y en avait cent jusqu’alors) ».

Clisthène souhaite avant tout la fusion du peuple, c’est pourquoi il segmente le pays en groupe de « dèmes », « dix de sa ville et ses environs, dix du bord de la mer, dix de l’intérieur des terres ; il les appelle « trytties » et en attribua par le sort trois à chaque tribus, pour que chaque tribu ait sa part de toutes les régions ».

 

« Clisthène rendit concitoyen de « dème » ceux qui habitaient dans chaque commune « dème » ».

 

Le dème (commune) se présente comme l’unité administrative d’un ensemble plus vaste. Clisthène fait passer l’attique d’une organisation tribale à un ensemble administratif cohérent et soudé.

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A la suite d’aménagements administratifs avant-gardistes, la constitution devint plus favorable au peuple, Clisthène instaura de nouvelles lois afin de s’arroger les faveurs de la foule, et particulièrement la loi sur l’ostracisme, qui montre une volonté de soutenir ce système participatif chèrement acquis sur le temps des Tyrans. Enfin Clisthène n’a pas seulement fait progresser la Démocratie, il a développé les structures de l’Etat, amélioré son fonctionnement, en apportant une cohérence de « terrain » au développement démocratique. 

Clisthène a profondément modifié la vie politique de la cité en associant  directement le peuple aux institutions, à l’inverse des Tyrans, Clisthène s’appuie sur le peuple, non pas pour prendre le pouvoir, mais pour donner vie aux institutions.    

Clisthène méritait certainement davantage d’éloges de ses contemporains, qui n’ont pas vu en ce précurseur humaniste un grand homme pour l’avenir des cités, et des Etats.

Un homme que l'histoire a scellé dans l'oubli, sans image et sans buste.

 

508 : Clisthène fonde la Démocratie à Athènes.

 

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VI – Guerre médique et gouvernement de l’Aréopage. 

 

Les Grecs ont donc fait progresser l’Etat et la Démocratie durant cette période, dans un contexte relativement calme ; mais à partir du Ve siècle, c’est-à-dire concomitamment à « l’achèvement » de la Démocratie, les Perses soumettent les cités grecques d’Ionie, lesquelles vont se révolter et provoquer l’entrée en guerre d’Athènes et d’Erétrie.

 

490 : Les Grecs remportent la bataille de marathon.

 

490 – 456 : Tragédies d’Eschyle.

 

Tel fut l’instinct découvreur des Hellènes, d'avoir provoqué la puissance destructrice de la guerre par la symbolique exaltée de l’Art tragique, sans s’attarder ici sur la dimension philosophique du principe de contextualisation (cf. Nietzsche : « Aux origines de la Tragédie »), on notera juste que ce rapport unique au sublime traduit une exceptionnelle conscience de la vie dans l’individu, ses ressorts tragiques, dans un contexte tout compte fait assez peu favorable à montrer l’enthousiasme au cœur de la cité. En sorte, la pensée tragique montre à quel point le peuple d'Atttique était souverain, « une unité dominante », comme la nomme Nietzsche, pour l’histoire de l’humanité.

 

Il est intéressant de noter que la préoccupation démocratique n’a pas infléchi l’effort de guerre, bien au contraire, chaque citoyen épris de liberté, et en âge de combattre se tournait légitimement vers la protection de la patrie ; les Grecs n’étaient pas seulement ces valeureux guerriers, victorieux à Marathon, Salamine etc.  Ils étaient aussi de fervents patriotes.

 

Naturellement l’Aréopage dut soutenir l’effort de guerre tout en maintenant une cohérence gouvernementale, une centralisation du pouvoir au profit des troupes, comme partout ailleurs en temps de guerre ; pourtant on verra en parallèle une construction institutionnelle en faveur de l’effort de guerre, avec l’apparition au Ve des premiers fonctionnaires ou entités gouvernementales dédiées à la protection de la patrie.

Pendant la durée des guerres médiques, le peuuple fut nourri par l’Aréopage en fonction des butins collectés à la guerre.

 

VII – Périclès.

 

A l’issue des guerres médiques, le gouvernement resta sous la coupe de l’Aréopage, mais comme la foule augmentait, le parti démocratique reprit son autorité, et progressivement sous l’influence d’Ephialte les Aréopagites furent destitués, les fonctions constitutionnelles furent réattribuées au conseil des Cinq Cents puis au peuple et aux tribunaux.

 

451 : première loi de Périclès.

 

441 - 431 : gouvernement personnel de Périclès.

 

Périclès rendit la constitution plus favorable au peuple, il enleva certains droits à l’Aréopage, et poussa vivement l’état à augmenter sa puissance maritime.

 

438 : achèvement du Parthénon.

 

L’influence de Périclès, comme homme d’Etat, est considérable, notamment pour son rôle stratégique dans la guerre du Péloponnèse, il a fait de la ligue de Délos un empire Athéniens ;  mais aussi pour avoir favorisé les initiatives au profit de l'accroissement artistique et culturel de la cité ; concernant la vie politique il est considéré comme un grand démagogue.

 

« Tant que Périclès fut à la tête du parti démocratique, la vie politique fut assez honnête ; mais après sa mort elle devint bien pire. C’est qu’alors pour la première fois le parti démocratique prit un chef qui n’avait pas bonne réputation parmi les honnêtes gens…. ».

 

En effet, dès le début le premier chef du parti Démocratique fut Solon, ensuite Pisistrate qui finalement gouvernât avec modération, puis conséquemment à la destruction des Tyrannies, Clisthène installera ses réformes ; mais malgré la bonne volonté des Athéniens à conserver une démocratie respectable, on verra ensuite une vie politique assez agitée où les oppositions multiples n’auront de cesse de porter des jugements de fraude et d’atteinte aux devoirs civiques. « D’après les anciens, ceux qui semblent avoir été les meilleurs hommes politiques à Athènes sont Nicias, Thucydide (opposant allié à Cimon contre Périclès) et Théramène ».

Thucydide sera ostracisé par Périclès en 442.

 

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VIII – Les Quatre Cents : mesures vers la constitution définitive.

 

Tant que l’éventualité d’une guerre s’éloignait, les Athéniens privilégiaient le régime Démocratique, mais après le désastre de Sicile, les Lacédémoniens l’emportèrent grâce à l’alliance du Grand Roi, dans ces conditions le moral des Athéniens était au plus bas, ils remettaient en cause leurs institutions et furent forcés de modifier la démocratie afin d’établir le régime de Quatre Cents.

[ Nous savons que la « boulé » d’Athènes a été cette institution, en premier lieu législative, créée par Solon, constituée à ses débuts de quatre cents membres choisis auprès des classes censitaires, Clisthène l’étoffera de cents membres supplémentaires. Le rôle de la « Boulé » était essentiellement de recueillir les lois auprès des citoyens, mais l’institution « consultative » aura constamment évolué en fonction du contexte et des aspirations du peuple, en gagnant toujours de nouvelles attributions,  et traduisant, ce faisant, l’essor d’une démocratie, sa volonté suprême de répartir le pouvoir au peuple ].

 

Coup d'État des Quatre-Cents (411- 410)

 

Mais en pleine guerre du Péloponnèse, la révolution oligarchique de 411, eut raison du conseil des Cinq Cents pour imposer son gouvernement réduit de cents membres et rassemblant l’essentiel du pouvoir, auquel succéderont "les cinq milles" Athéniens capable d’assumer les fonctions de l’Etat. Le peuple y fut favorable car il pensait que le grand Roi s’allierait plus favorablement si les droits politiques étaient restreints qu’à un certain nombre de citoyens.

 « pour la première fois, de son temps du moins, Athènes eut, à ce qu'il paraît, un gouvernement tout à fait bon ; il s'était établi en effet un équilibre raisonnable entre les aristocrates et la masse »

Thucydide.

Le décret fut adopté….

Le régime des Quatre Cents échouât toutefois dans ses négociations avec Sparte car Athènes souhaitait notamment conserver sa supériorité maritime.

Sans définir les mesures constitutionnelles prises durant la période, on peut juste attester que le régime ne fut pas si défavorable au peuple ; d'autant plus que certaines réformes, comme notamment l'élection des commissaires (pour la rédaction de la constitution) par les cinq Milles, peuvent être considérées comme une volonté de rassembler les organes démocratiques dans une période confuse, pour autant la manière de capter le pouvoir doit être assimilée à la méthode Tyrannique. Le régime des Quatre Cents dura quatre mois, les Athéniens s'empresseront de chasser les « hoplites » des fonctions de pouvoir et vont tenter de réinstaurer les principes de la démocratie à la fin de la guerre du Péloponnèse.

  "Les Athéniens semblent avoir été bien gouvernés à ce moment, puisqu'on était en état de guerre, et que le pouvoir politique appartenait aux Hoplites.

 

IX - Les "Trente".

 

404 : Les "Trente tyrans".

 

« La paix ayant été accordée aux Athéniens à condition qu’ils appliquent la constitution de leurs ancêtres, les démocrates cherchaient à conserver la démocratie ; ceux des notables qui faisaient partie des sociétés secrètes « hetaireia » et les bannis revenus après la paix désiraient l’oligarchie ».

Si bien que par un jeu d’alliance opportuniste, provoqué par Lysandre notamment, le peuple dut se résigner une nouvelle fois à accepter l’oligarchie.

Ce régime est probablement l’un des plus sévères, car la « cité » se trouve considérablement affaibli par les guerres successives, le peuple qui malgré tout souhaitât conserver ses acquis démocratiques est à la fois confronté à la dureté de l’existence (famine, dénuement etc..) mais également au caractère oppressif d’un petit nombre de « maîtres » davantage intéressés par la préservation de leurs intérêts qu’à garantir la pérennité de la constitution des ancêtres ; les trente exécutèrent tous ceux qui, au sein du peuple, pouvaient manifester un centre d’intérêt concurrentiel à leurs avantages, tout en se rendant maître en malversations et autres manipulations politiques. Les quelques tentatives d’oppositions conduiront leurs instigateurs à la potence (cf. Théramène).

 

X - Fin de la guerre du Péloponnèse et Restauration définitive de la Démocratie.

 

L’accord de paix sera finalement à l’initiative de Pausanias, Roi de Lacédémone, les trente oligarques destitués,  les représentants démocrates purent solliciter le secours des autres Grecs, en l’occurrence favorable à la démocratie, et tout autant usés par une lutte fratricide qui réduisît considérablement la force, et la "lumière" sur la péninsule attique durant cet interminable processus de crise ; [ à ce propos, Thucydide aura retranscrit comme personne les événements de son temps, un témoignage historique considéré comme la plus authentique déposition du passé, une rare objectivité de fait pour l’époque, qui ne cessera d’être lu encore comme preuve manifeste d’un âge d’Or troublé  : « Guerre du Péloponnèse »].

 

La constitution actuelle s’achève finalement après avoir subi des réformes successives depuis l’âge primitif :

 

-   Après s’être écarté de l’Etat monarchique sous Thésée, le premier grand changement interviendra     sous l’Archontat de Dracon, où les premières lois constitutionnelles seront écrites.

-   Sous Solon, et subséquemment à la guerre civile, les premières grandes réformes donneront lieu    aux premières mesures démocratiques.

-  Le régime Tyrannique, de Pisistrate notamment, réforme la politique sociale, mais pour mieux      conserver le pouvoir.

-   Le grand bouleversement survient après la chute des Tyrannies, Clisthène, poursuivant l’œuvre de Solon,     établit définitivement la Démocratie athénienne.  

-  Sous couvert de l’Aréopage, les réformes seront mises entre parenthèses, L’Etat se tourne vers    l’effort de guerre Médique, l’essentiel du pouvoir étant concentré à l’Aréopage.

-  Suite à l’affaiblissement des pouvoirs de l’Aréopage, ce fut la période des grands démagogues, c’est aussi à cette époque que « la cité » commit le plus d’erreurs, il n’est pas sûr que Périclès ait eu une conception plus fiable du bien-fondé Démocratique que ses contemporains.

-  Le désordre après Périclès donnât lieu à l’oligarchie des Quatre Cent puis des Cinq Mille dont on a    vu la spécificité centrale du pouvoir qui pourtant échouât dans sa négociation avec l’ennemi.

- Enfin, après à la Tyrannie des Trente et des dix (gouverneurs chargés de la région sensible du   Pirée : bastion des démocrates), la démocratie put atteindre sa forme définitive, la population du Pirée et de Phylé s’étant rassemblée : «  Et c’est depuis elle qu’on en est arrivé au régime actuel en attribuant toujours plus de pouvoirs à la foule, car le peuple s’est rendu maître de tout, et tout est réglé par les décrets « psephisma » et les tribunaux où le peuple est souverain ».

 

En effet, que le pouvoir judiciaire, les décisions prises autrefois par le conseil, soit désormais endossé par la foule, c’est-à-dire le plus grand nombre (donc moins de corruption), me semble constituer ce moment crucial où le pacte démocratique est définitivement scellé dans le marbre, pour la postérité.

 

 

Conclusion :

 

D'une manière générale, l'évolution des mécanismes démocratiques n'est pas forcément homogène, ou constante, les revendications populaires sont baignées puis nourries du contexte, cela  occasionne des phases - « symptomatiques » - de Perte de confiance, le procès contre Socrate, notamment, intervient à une période où l’on ressent incontestablement un manque d’assurance des Athéniens pour leurs institutions démocratiques, une ère d’incertitude, de doute ; la cause finale sensée gouverner la "citée" selon des principes d'égalité, de liberté cherchera malgré tout une orientation plus ou moins résolue ;  il est dans l'ordre des chose, que dans sa quête d'une vie harmonieuse, la "citée" éprouve l'action politique dans ses moindres capacités, c'est ainsi qu'elle réalise pleinement son humanité, puisque Aristote nous dit : "L'homme est un animal politique". Phénomène autant perceptible à travers le fléchissement artistique du mythe tragique, en effet les tragédies d’Eschyle montraient une force de sûreté légendaire des Athéniens pour leur destin nimbé des Dieux ; chez Sophocle l’analyse montre un contraste inédit, celui de la mise à l’épreuve d’un idéal moral ; enfin chez Euripide l’œuvre est totalement imprégnée des ressorts politiques, au sein du théâtre se joueront les débats relatifs au régime, c’est aussi pourquoi les tragédies d’Euripide obéissent à une psychologie nouvelle. 

 

Pourtant le procès de substruction démocratique doit véritablement être perçu dans un ensemble  historique cohérent, sans déjouer les occasions multiples d’exprimer la « lumière » d’une réflexion univoque  à partir de quoi l’homme put écrire ses premières lois, des lois égales pour tous ; c’est seulement ainsi qu’il rend grâce à l’instinct « Immortel » et colonisateur de la connaissance, une vision d'un destin maîtrisé par l’imagination d’un peuple enhardi par l’éclairante lucidité du pathos de la vie. Certains objecteront l’hégémonie dominante de Sparte, mais soyons clair, que produit la force sans l’instinct dominant du savoir, chez les Grecs tout s’accordait à la vie – même le principe démiurge d’individuation – , si Sparte se distinguait dans la poésie d’Homère on comprend bien qu’à l’époque cette organisation puissante, ordonnée dans ses rouages politiques, et nonobstant mono disciplinaire dans sa représentation du progrès, put impressionner,  seulement après la revue des troupes, la place retrouve son caractère inanimé, Sparte se présente comme un régime profondément immédiat pour son temps et donc nécessaire, c’est seulement ainsi que la juste mesure du développement d’un peuple affiche ses dons, sa possibilité à se dépasser ; et traduit non loin de là l’instinct dominant authentique, nommons-la cette « lumière » première  : 

 

                                                   « la véritable volonté hellénique ».

 

 

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04/03/2014
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