Science-de-la-liaison

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Soljenitsyne.


"Le Pavillon des cancéreux". Alexandre Soljenitsyne.

L’existence est pour chacun une course effrénée contre l’enchaînement des choses, mais en certains endroits moribonds, où l’uniformité hyaline des tenues hospitalières trahit ce sursis ambiant, que tout projet personnel est pure chimère, l’épreuve montre toutefois que la dignité humaine cherche partout un chemin réconfortant avec ce qu’elle a de plus authentique, le vécu,  ce legs testamentaire, unique raison de vivre face au destin, aussi funeste et imprévisible que la prolifération du mal.

La psychologie des personnages dépeint par Soljenitsyne - que je laisse délibérément à leur « étoile » -, nous fait ressentir une contiguïté indubitable entre le citoyen, l’idéologie et les pratiques politiques du parti unique. Pour chacun, dans cet environnement  nécessiteux,  il est aussi question de faire écho aux excès d’un totalitarisme fondé sur «le culte de la personnalité », la  dictature communiste dans sa phase la plus rougeoyante, s’étiolant peu à peu au rythme des dénonciations en masse ; sur quelle ruine désolée, les cœurs meurtris par l’incurabilité d’un mal qui ne choisit pas sa cible,  vont échoir ces êtres dévolus par le sort, au milieu des débris identitaires, essaimés d’espoirs reclus par une collectivisation forcée des consciences.

« Le pavillon des cancéreux » n’est pas seulement une chronique-documentaire sobre  en immersion dans un hôpital de la république poststalinienne, c’est aussi un récit d’actes éprouvés que la mémoire vient transcrire avec l’innocence rare du miraculé. Alexandre Soljenitsyne fut atteint de ce mal implacable, et connut cette part d’évènement dramatique où chaque individu de chair et d’os se trouve confronté, désarmé, face à l’épreuve impitoyable de la maladie.

L’écriture est formidablement rythmée, sans écart malvenu où l’attention s’échapperait avec le sujet, on perçoit la sagacité subtile de l’homme de science par une écriture féconde en métaphores et astucieusement placées. Bref une lecture claire et cohérente, qui au regard du sujet traité illustre admirablement l’intelligence de l’écrivain.

Le texte est à la fois troublant et nécessaire car il appelle l’attention de chacun sur l’interruption brutale de la vie, dès lors où l’existence se trouve réduite par l’éperon déloyal d’un destin manqué.

Notre présence, en réalité, est « détenue » par la frontière que nous percevons, la limite détermine notre vision projective du destin. Ainsi, quand l’homme prend conscience de la mort, il est aussi capable de transcender son être, de s’assumer authentiquement dans un dépassement de l’éventualité de la fin, l’angoisse face au trépas se présente alors comme une antinomie alternative à la vie, et au bonheur.

Soljenitsyne montre que le temps  est le bien le plus estimable :

« Ce n’est pas le niveau de vie qui fait le bonheur des hommes mais bien la liaison des cœurs et notre point de vue sur notre vie. Or l’un et l’autre sont en notre pouvoir, et l’homme est toujours heureux s’il le veut et personne ne peut l’en empêcher ».

 

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26/01/2014
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