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"L'intégral de MAUS : Un survivant raconte ! " - Art Spiegelman -

- L'intégral de MAUS : Un survivant raconte ! -

 

Chez Spiegelman la souris nous raconte la Shoah, dans nos souvenirs c’est elle qui laissait la petite pièce sous l’oreiller lorsque nous perdions…. DÉJÀ nos dents. Le décor se dessine ainsi, par un manichéisme « tendre » où la souris est le juif Polonais et le chat l’affreux démon nazi, œuvre auréolée du prix Pulitzer en 1992.

Sans se limiter au pendant idéaliste du dessin, l’intérêt nominal de la BD relève de sa structure autobiographique, l’auteur nous raconte l’histoire de sa famille déportée puis incarcérée dans les camps de concentration nazis. Art Spiegelman nous livre une formidable expérience anaclitique par quoi le dessin délivre peut-être de la difficulté de regarder en face, de consigner un type de rapport transgénérationnel que la guerre est venue bouleverser, reproduisant un parcours intense où se retrouve et se déchire le tissu familial par-delà le méandre angoissant d’un récit de faits, d’événements particuliers à un peuple. On peut s’étonner d’un certain conformisme dans le dualisme proposé par Spiegelman, face à la gravité du sujet, et tout autant admettre que l’orthodoxie du concept s’efface au profit d’un exercice individuel authentiquement poignant, car ici le plus froid des caractères devrait fondre, la souris nous émeut malgré tout, pas seulement du fait que l’auteur raconte la contingence désespérée de sa famille tentant d’échapper au ressort d’un destin tragique, mais aussi parce que le dessin est habilement, voire « sensiblement » mené.

Mais Spiegelman verse quelquefois dans la surenchère bavarde et exagérée en insistant sur  l’autorité du macrocosme dessiné, sa propension à susciter chez son lecteur des sentiments qui de toute manière, compte tenu le sujet traité, sont suffisamment attendus : Art exprime curieusement la disparition précoce de sa mère par une BD dans la BD. Un contraste saisissant entre le caractère épuré du dessin et son contenu. Ou peut-être n’ai-je pas lu assez de BD pour concevoir ce type de rapprochement presque complaisant.  Un coup de crayon convenu, pour ainsi dire. Sinon l’auteur sait aussi  être plus subtil quand il cite par exemple Samuel Beckett «  Chaque mot est comme une tâche inutile sur le silence et le néant », qu’il se propose par ailleurs d’inclure à  l’ouvrage, une jolie pirouette sur l’inoculation du « sol dessiné ». Peut-être que Spiegelman a du mal à justifier ses planches, oscillant de l’offre à la suroffre lorsque les choses nécessitent seulement d’être suggérées.

Pour autant, les planches de Spiegelman sont lourdes, le trait monochrome écrase encore plus le poids des pages, qu’on tourne avec circonspection, toujours conscient que le fantôme d’Anja  (la mère de Art) et la mémoire de Vladeck hantent « le sol dessiné » d’Auschwitz, érèbe funèbre où la couleur s’est tue dans ce néant sans espoir ; et malgré le chaos, la pénombre ubiquitaire, une lueur arc-en-ciel inonde et marque le sceau d’une humanité accrochée à son seul désir de vivre.  

Un parallèle avec un  tableau en particulier s’impose, d’une manière spéciale à Auschwitz, le témoignage de Rudolph Höss, nazi des plus virulent, probablement le plus exposé, en terme de volontarisme, à la solution finale, bien qu’il affirmera à Nuremberg n’avoir exécuté que les ordres du Reich führer, sans jamais renoncer à cet antisémitisme viscéral, ni même formuler une once de remords : [parfois les faits réclament d’être lâche à l’égard de ses actes (cf.  Pour contredire le propos nietzschéen), on voit à quel point le système concentrationnaire nazi savait choisir et user de ses "prises", des esprits faibles et manipulables à souhait]. Car cette proximité [éloignée] entre Spiegelman et son bourreau prend pied dans le réel, de la transcription résolument obsédante d’un  automatisme totalitaire en proie au démon, à la barbarie sans nom,  à  un humanisme innocent chez Spiegelman, rendant hommage à l’atavisme enthousiaste d’un peuple non épargné par le destin. C’est par ce biais que le dessin vient contraster la réalité, traduisant sinon le deuil  compliqué d’une reconstitution intergénérationnelle, une hostilité objectale à considérer son existence comme privilégiée face à la dimension historiquement tragique des événements, enchâssée bon gré mal gré  dans un cocon familial déjà suffisamment émacié.

Maus est sans conteste un témoignage exceptionnel sur la mémoire, n’imitant rien ni personne, seulement le spectre du souvenir familial !

 

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14/09/2013
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