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"Les progrès de la métaphysique" - Emmanuel Kant -

Les progrès de la métaphysique »  en Allemagne depuis le temps de Leibniz et Wolf :

Le combat que Kant a mené pour fonder la métaphysique, « la rendre seulement possible »,  coïncide avec celui de la philosophie allemande, mais il est aussi celui de la modernité, car depuis le bouleversement des lumières, mouvement progressiste européen qui prît son essor au sein de la révolution française et exerçât un magnétisme pressant sur le noyau idéaliste allemand (Fichte, Hegel, Hölderlin), nul n’a questionné la téléologie rationnelle des concepts avec autant de ténacité que les prolégomènes Kantiens,  disposant  la métaphysique en tant que système de base à toute notion philosophique ; par l’instauration du fondement de la métaphysique, Kant est parvenu à rendre son dépassement possible, c’est-à-dire qu’un cheminement « étapes par étapes » du sensible vers le suprasensible nous est donné par la mise en structure d’un système critique :  « Critique de la raison pure ».

Kant a procédé à deux éditions de sa « critique de la raison pure », l’une en 1781 puis une réédition remaniée en 1787, dans sa deuxième préface Kant met le criticisme au pilori, et particulièrement deux stades préjudiciables à l’instauration d’un fondement possible, la pensée dogmatique, puis celle plus ancienne des sceptiques, Kant résume parfaitement toutes ces tentatives : « La raison anéantit elle-même ses essais…. ». Il nous indique que depuis les préoccupations Leibniziennes, puis Wolf son héritier, la question de la métaphysique n’a plus progressé, pire elle s’est emmurée et ne répond plus à ses attentes. Sans référence, ni accusation directe contre ces derniers, il faut nécessairement comprendre que Kant assigne la métaphysique, met en évidence le calvaire d’un dogmatisme conceptuel hérité de l’école wolffienne, ce sur quoi elle illustre sa défaillance, déficit à proposer une « ouverture » nécessairement fondamentale au questionnement qu’elle doit susciter, l’architectonique de la rhétorique académique a-t-elle seulement permis ce dépassement vers l’au-delà, le suprasensible :  «L'idée qui domine ce système est qu'il est possible de fonder la connaissance sur la pure déduction et que, par suite, le principe d'identité est le seul qui domine toute connaissance » (wikisource : Wolff) ; ou bien, cet examen, parfois supplicié de langage, offrant en réalité le sol théorique d’une connaissance qui en substance métaphysique n’a aucune prescription d’usage, n’aurait de sens que pour ses quelques contradicteurs, paralogisme psychologique pour les uns, ou systématisme dialectique pour les autres, dont certaines éventualités avoisinent quelquefois l’antinomie.

« L’intelligence profonde du kantisme……se dirige vers une interprétation critique de l’essence même de la métaphysique ».

Kant reproche à la philosophie intellectualiste ce critère essentiel, demeuré insoluble chez Leibniz, de n’avoir pu saisir la nécessité d’une intuition « pure » à priori seulement capable d’appréhender le champ des concepts de l’entendement, et la décomposition contingente qui fonde l’expérience et le domaine de l’ontologie. Si bien que dans cette logique de plan, l’espace est conçu comme une structure où tous les concepts ont un rapport réciproque entre eux et indépendamment de toute intuition sensible, on saisit indubitablement le non-sens, et précisément l’omission d’une quelconque psychologie empirique, quand bien même elle ne fut suggérée. Selon ce type de rationalisme, le principe d’identité des indiscernables devient ubiquitaire, or il s’agit là d’une absurdité « monadique », ennuyeuse quant au principe intangible d’une intuition «pure »  déterminant tout concept. Comment rendre possible, dés-lors, l’instauration d’une métaphysique, pour ses métaphysiciens d’un autre âge, si et seulement si, l’intuition sensible (fondant l’expérience) n’est pas considérée comme la pierre de touche d’une réalité à l’origine d’un fondement possible. De toute évidence, dans ce type de système, c’est l’harmonie qui est mise en exergue, laquelle trace un pont directe jusqu’au matérialisme de Démocrite, mais chacun comprend que le repérage dans l’espace, l’intuition à priori, implique nécessairement, et supposément un contraire préétablis entre l’appréhension du réel et son non-réel :  « La force motrice » de l’intuition pure, réceptive à discerner la réalité du monde sensible. Tout système à priori, n’impliquant l’expérience, nécessite une intuition elle-même, et nécessairement à priori, mais qui, dans la dé-composition conceptuelle, intègre le champ de l’expérience.

 

Outre l’emballement sur le déterminisme des fins cosmiques, où « dieu, la liberté et l'immortalité » forment une fin ultime par quoi l’accomplissement d’un « souverain bien » devient possible, mais reste malgré tout contingent d’une liberté, volonté absolue ayant droit au suprasensible, qui par suite de l’enseignement subjectif devient reconnaissante des « lois » morales – nonobstant par adhésion moralo-dogmatique* ; Kant nous livre ici l’appétence affective de sa philosophie, avoisinant le rituel au crépuscule  de sa vie, qui non seulement le conduit (ici) à la contradiction, car on ne peut prétendre à une liberté substantielle en tant que constituant interne, tout en ressentant cette créance dogmatique* au commencement d’une foi religieuse, mais pourrait faire croire que l’instauration d’un fondement possible de la métaphysique, c’est-à-dire son mode d’application intelligible,  est catégoriquement dirigé de par le chemin tracé par l’improbabilité théorique de la nature des objets suprasensibles, dit autrement sur l’illusion de l’enseignement théologique des fins. On retiendra donc la prudence chrétienne (prudence = critèrium recherché ds la quête du "bonheur") que Kant assigne au cercle métaphysique, car si l’improbabilité de certaines lois est avérée, il convient aussi de mesurer le degré de réalité dans une relation subjective - au sein du périmètre et bien au-delà, car c’est bien dans « cette direction » que la raison pure esquisse sa fin ultime, et démontre que la Métaphysique est par là la seule perspective qui conduirait à l’achèvement, bien que celui soit hors de portée.

 

Kant saisit que le monde doit progresser vers le « mieux », bien qu’aucune théorie ne permette d’en justifier le mobile auprès de la raison pratique, et du coup se sent tiraillé par l’enseignement théologique  des fins comme si la raison pratique « la conduite de l’homme ici sur terre » devait être à l’image d’un accompagnement divin abstrait : la connexion moralo-théologique, qu’il refuse dogmatique, pour autant qu’un « souverain bien » ne peut être conçu que selon ce critèrium ; cependant, ce  qu’il considère comme impossible d’un point de vue théorique doit l’être sur le plan pratique, ainsi donc la théologie-morale peut être considérée comme  « accessoire », un atout substantiel sur quoi la liberté doit considérer ses possibilités, si la perception du monde doit être accordée avec une théologie-morale, il n’en reste pas moins que pour l’accomplissement d’un «produit moral », celui-ci exige le libre arbitre, mais l’homme en tant que cause responsable de ses actions, ce que la philosophie leibnizo-wolffienne ne prétend pas. 

 

Ce texte a la particularité d’être inachevé, il fut publié à titre posthume par Rink (l’ami de Kant) - la question porte elle-même cette part d’incomplétude, à laquelle Kant fait directement référence en début de texte : « C’est une mer sans rivage, sur laquelle le progrès ne laisse aucune trace, et dont l’horizon ne renferme aucun but visible en fonction duquel on pourrait percevoir combien l’on s’en est approché » -. Celui-ci nous livre toutefois des indications précieuses sur les axiomes tangibles à la fondation d’une métaphysique possible :

« Le troisième et le plus récent pas que la métaphysique ait fait, décisif pour son destin, est la critique de la raison pure elle-même, quant à son pouvoir d’étendre à priori la connaissance humaine en général, que ce soit eu égard au sensible ou au suprasensible. Si cette critique avait fait ce qu’elle promet, à savoir déterminer l’ampleur, le contenu et les limites de cette connaissance, si elle l’avait fait en Allemagne et précisément depuis le temps de Leibniz et de Wolff, alors le problème de l’Académie royale des sciences serait résolu ». Kant.

 

[ Mais dès lors où la question est posée avec l’ordonnance perspicace de la « fin » qu’elle suppose : « déterminer les questions avant de s’apprêter à les résoudre », doit-on retracer le contour du périmètre à coup de rhétorique « complexe » pour une question dont l’achèvement porte au-delà du périmètre que suppose la « critique… » pour autant qu’elle soit circonscrite à la raison. Ce point appelle notamment l’attention sur la finalité des philosophies analytiques, en particulier leur prétention à conduire, par l’analyse philosophique du langage, à l’explication philosophique de la pensée. Le cas du « Tractacus » montre que le but final – qu’est-ce que la connaissance ? – n’est pas atteint, les clés sont à chercher ailleurs que dans une terminologie logique proche de l’occultisme, car prétendre que le sens de l’essence du monde doit être recherché dans ce que le langage est susceptible de proposer, n’est-ce-pas un truisme, une réalité évidente que Wittgenstein a tenté de dissimuler sous ses allégories conceptuelles  ; bref en quoi distinguer le bavardage de la philosophie incontestable, de l’ouverture nécessaire sur la connaissance universelle dont l’humanité ne saurait se passer ].

 

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31/01/2014
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